Quelles solutions pour faire face au réchauffement climatique en forêt ?

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Sécheresses, incendies, hausse généralisée des températures… de nombreux propriétaires forestiers sont inquiets face au réchauffement climatique. Quelles sont les options possibles pour préserver votre patrimoine ? Quels résultats donnent les premières expérimentations faites par les professionnels et l’ONF ?

Sommaire

Certains pensent que l’exploitation du bois est contraire aux enjeux climatiques et que les coupes mettent en péril la forêt française, il n’en est rien ! En réalité, le rôle stabilisateur des forêts d’un point de vue environnemental suppose que celles-ci soient entretenues durablement. Il ne fait en effet aucun doute que les forêts jouent un rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique et ce pour de nombreuses raisons (stockage du C02, espace favorable à la biodiversité etc.). A l’opposé, personne n’osera contester le fait que les forêts souffrent chaque année du réchauffement climatique. 

Selon l’ONF, le changement climatique met en péril environ 30% de la forêt française, et d’ici cinquante ans, “la moitié de la forêt française pourrait avoir changé de visage”, toutes essences et toutes régions confondues. 

Et la forêt française n’est évidemment pas la seule concernée : d’autres pays forestiers comme l’Allemagne ou la République Tchèque constatent un dépérissement massif de leurs forêts. 

Aussi, l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN).constate une hausse du nombre d’arbres morts sur pied de moins de 5 ans (+30% entre 2018 et 2019), et un volume de 104 millions de mètres cubes d’arbres morts entre 2015 et 2019. 

Au GPF, nos techniciens constatent chaque jour la fragilité des forêts face à la nouvelle donne climatique. Ils sont aussi les premiers interlocuteurs des adhérents de plus en plus inquiets par ce qu’ils constatent sur leurs parcelles. 

Il est donc impératif d’adapter la gestion de la forêt pour garantir son bon développement et la renforcer dans son rôle face au déséquilibre climatique. Nos techniciens surveillent donc régulièrement l’état des forêts de chacun de nos adhérents afin de réagir rapidement en cas de dépérissement. En parallèle nous travaillons et expérimentons pour faire évoluer nos pratiques sylvicoles et dessiner une forêt privée résiliente et adaptée à la nouvelle donne climatique. 

Quels sont les impacts du réchauffement climatique sur nos massifs forestiers ? Comment exploiter durablement la forêt pour assurer son renouvellement alors que les conditions climatiques changent ? 

Nos réponses se trouvent dans cet article. 

Quels sont les impacts du réchauffement climatique sur nos massifs forestiers ?

a) La hausse des températures sur le cycle de vie des arbres 

Le premier signe du réchauffement climatique est l’augmentation des températures. Robert Bellini de l’ADEME (Agence de la transition écologique) précise cette hausse : depuis 1900 les températures ont augmenté de 1,7 degrés, soit plus que la moyenne mondiale. Or bien avant les spectaculaires feux de forêt, les variations climatiques et la simple hausse des températures  impactent directement sur le développement des arbres. 

Du point de vue de la croissance de l’arbre, l’augmentation des températures génère un allongement de la saison de végétation (quand l’arbre est en feuilles et subit une forte activité), de l’ordre de plusieurs jours par décennies. Le débourrement des arbres intervient donc plus tôt et la sénescence des feuilles est plus tardive, ce qui crée un surcroît de production pour l’arbre et donc des besoins en eau supplémentaires. La douceur des hivers perturbe, quant à elle, la levée de dormance des bourgeons et graines. 

Ainsi c’est tout le cycle de vie de la forêt est bouleversé par la simple hausse des températures. 

b) Chaleur et sécheresse : entre incendies et déficit hydrique

La hausse des températures s’accompagne aussi de longues périodes de sécheresse. Or quand les taux d’humidité sont très bas, les conditions sont favorables au départ et à l’extension des feux de forêt. En septembre 2022, selon le Système européen d’information sur les incendies de forêt (EFFIS) plus de 66 000 hectares de forêts avaient brûlé depuis le début de l’année, contre 9 000 hectares en moyenne sur la période 2006 à 2021 soit un coefficient multiplicateur de 6,8. Auparavant cantonnés au Sud de la France, les incendies gagnent du terrain et menacent à présent toute la forêt française

En plus de favoriser les incendies, la chaleur et la sécheresse fragilisent et affaiblissent les arbres en amont car ceux-ci subissent un stress hydrique.

Cet affaiblissement est lié au déficit hydrique de l’arbre qui peine à puiser l’eau dont il a besoin, et qui peine à transpirer pour se rafraîchir. Ce phénomène de transpiration végétal appelé évapotranspiration (estimé par certains chercheurs à 1,7 litres d’eau par m2 de forêt) se produit au niveau des “stomates”, des pores présentes sur les feuilles. Si l’arbre manque d’eau il peut fermer ses pores mais il continuera malgré tout à évacuer encore une certaine quantité d’eau et donc creusera son déficit hydrique. L’arbre peut aussi puiser de l’eau dans les cellules de l’aubier ce qui peut créer des fissures dans l’écorce. 

Un arbre confronté plusieurs jours de suite à de fortes chaleurs peut présenter des flétrissements, des jaunissements et des rougissements précoces, et perdre ses feuilles. Sa croissance ralentit, il s’affaiblit. 

Si un épisode de sécheresse isolé n’est pas préjudiciable pour une forêt, la répétition de ceux-ci impacte durablement la croissance des arbres et peut conduire à leur dépérissement. 

En plus de favoriser les incendies, la chaleur et la sécheresse fragilisent et affaiblissent les arbres en amont car ceux-ci subissent un stress hydrique.

c) La prolifération de nuisibles et leur impact sur une forêt affaiblie

L’affaiblissement des arbres les rend plus vulnérables aux insectes ravageurs et aux champignons (scolytes, encre du châtaignier, chalarose du frêne etc.). Si le champignon encre du châtaignier profite des hivers doux et de l’alternance entre périodes humides et sèches pour se développer et attaquer hêtres et chênes rouges par destruction racinaire, les sphaeropsis des pins, et les scolytes apprécient quant à eux la sécheresse et pullulent lors des étés chauds, allant jusqu’à attaquer des arbres sains. 

Ces derniers insectes envahissent pessières et hêtraies, et creusent sous l’écorce des arbres. Les aiguilles et feuilles deviennent brunes, et l’arbre meurt rapidement. Ce phénomène, visible en raison du rougissement des cimes, est particulièrement préoccupant dans le Nord-Est de la France mais pas uniquement. En effet, les attaques de scolytes se multiplient partout en France, et surtout dans les forêts d’épicéas situées à basse altitude, qui ne réunissent dorénavant plus les conditions propices à la croissance de ces arbres de montagne.

Quelles solutions face au réchauffement climatique en forêt ?

a) Privilégier les mélanges d’espèces résistantes

Peu de propriétaires forestiers le savent mais les arbres migrent naturellement en altitude et en latitude !

Naturellement, le chêne pubescent situé essentiellement dans l’arc méditerranéen migre à hauteur de 100m par an. 

Malheureusement, ce processus de migration naturel n’est pas assez rapide face au changement climatique. Aussi certaines essences sont donc vouées à disparaître. Le hêtre qui occupe plus de 10% des forêts françaises, pourrait être concerné ou bien se cantonner aux zones plus en altitude ou situées au Nord-Est de la France.

Le chêne vert autrefois localisé dans le Sud de la France pourrait s’adapter à des zones plus septentrionales comme en Aquitaine. Le pin maritime pourrait être installé dans la moitié Nord de la France.

Afin de renouveler les forêts et pérenniser les peuplements, l’ensemble de la profession se tourne vers des essences plus résistantes et moins gourmandes en eau. Le chêne vert autrefois localisé dans le Sud de la France pourrait s’adapter à des zones plus septentrionales comme en Aquitaine. Le pin maritime pourrait être installé dans la moitié Nord de la France. Enfin le hêtre, extrêmement répandu dans les forêts françaises, devrait se replier vers les zones situées plus en altitude ou vers le Nord-Est de la France. 

Nous suivons aussi attentivement le déploiement d’espèces étrangères (calocèdre, chêne du Portugal ou sapin de Bornmüller) actuellement en cours d’expérimentation au titre du programme Esperense. Ce programme mené par l’ONF et le CNPF vise à évaluer différentes essences sur certaines zones, afin de fournir des alternatives face au changement climatique, et s’appuie pour cela sur de microparcelles de 2 hectares appelées “îlots d’avenir”. 

L’outil Climessence développé par RMT AFORCE, permet aussi de tester la possibilité d’adaptation d’une espèce sur une localisation, et l’outil Bioclimsol mis au point par l’Institut du Développement Forestier permet d’effectuer un diagnostic sur une parcelle forestière en tenant compte notamment du peuplement, du site et du climat. 

L’hybridation des espèces ? 

C’est un enjeu majeur dans le renouvellement des forêts et leur adaptation aux nouvelles conditions climatiques. Lorsqu’on détermine une palette d’essences adaptées à une station, il est aussi intéressant de questionner les capacités d’hybridation de celles-ci. Le sapin pectiné peut en effet s’hybrider avec le sapin de Bornmüller, ce qui pourrait renforcer sa capacité de résistance aux fortes chaleur. L’objectif n’est pas de détruire notre patrimoine forestier mais d’optimiser les capacités d’adaptation de certaines espèces. 

Au GPF, nos techniciens connaissent ces outils, suivent les résultats intermédiaires de ces expérimentations et mènent leurs propres recherches. À l’occasion d’un reboisement, nous nous appuyons évidemment sur toutes ces recommandations et outils pour vous conseiller une palette d’essences compatibles avec votre station aujourd’hui et demain. 

Enfin, le reboisement mêle souvent résineux / feuillus, et ne s’effectue jamais en mono essence, car la diversité est indispensable pour pour pérenniser nos forêts (les forêts françaises comptent en moyenne 5 essences différentes). 

Aucun succès ne peut être garanti à 100% dans les opérations de reboisement. Si nous manquons encore de recul sur les grandes expérimentations nationales et locales, certains résultats sont déjà très encourageants. 

Essences pouvant faire l’objet d’expérimentation en région Auvergne-Rhône-Alpes :
-> pin laricio
-> cèdre de l’Atlas
-> érable
-> chêne rouge
-> pin maritime
-> chêne pubescent
-> sapin de Céphalonie
-> sapin d’Espagne

b) Renouveler les techniques sylvicoles et la gestion de la forêt

Un autre point trop souvent ignoré des propriétaires forestiers concerne les techniques sylvicoles. Comme le rappelle Eric Sevrin, directeur de l’Institut pour le Développement forestier (service R&D du CNPF) : “il ne faut pas compter sur une seule espèce miracle”. L’ensemble des techniques de reboisement et d’entretien doit évoluer pour favoriser la croissance et le développement des arbres. 

Ainsi, on conseille actuellement de desserrer les arbres (mais pas trop!) afin d’alléger la pression du peuplement sur la ressource en eau, d’intégrer les nouvelles essences progressivement dans le peuplement via des placeaux, de travailler les régimes d’éclaircies (intensité et rotation), de réduire dans certains cas les âges d’exploitabilité, de privilégier les futaies claires régulières ou irrégulières, de préparer les sols (par exemple en l’ameublissant et en laissant les rémanents), de prévoir des chemins coupe feu etc.

Pour découvrir en images quelques exemples d’expérimentations possibles face au réchauffement climatique, nous vous invitons à visionner cette vidéo réalisée par le média Actu-environnement sur les forêts du Haut-Languedoc.

Le GPF réalise aussi ses propres expérimentations et tests (essences + techniques) afin d’identifier les essences forestières capables de s’implanter et de se développer en région Auvergne-Rhône-Alpes.

Conclusion

Le réchauffement climatique bouscule les pratiques sylvicoles : évidemment certaines espèces locales s’adapteront, mais d’autres n’y parviendront pas. En tant que gestionnaires forestiers nous suivons attentivement les expérimentations réalisées au niveau national, collectons des retours d’expériences, et testons certaines essences et pratiques chez quelques adhérents propriétaires, afin de monter en compétence sur ce sujet. La question du gibier nous paraît être aussi fondamentale car le renouvellement de la forêt ne se fera que si la pression du gibier n’est pas trop forte sur les jeunes plants et graines. 

Conscients que nous avons un réel rôle de conseil à jouer dans cette crise climatique, nous mettons l’ensemble de notre expertise au service de vos forêts et répondons à toutes vos questions. N’hésitez pas à contacter votre technicien si vous constatez des dépérissements sur vos parcelles, ou si vous souhaitez discuter d’un projet de reboisement. Notre option Regarnis vous offre aussi des garanties supplémentaires de succès, lisez notre article pour découvrir ce service complémentaire.

Last modified: 18 juin 2024